Je vous propose un extrait d'un poème en prose, certains le trouveront un peu noir ...
Un autre monde
Je suis là où les hommes ne sont plus.
Les arbres sont mes seuls amis.
La nuit je les entends se plaindre et gémir.
Le grand vent du nord les fait craquer.
Le vent d’ouest les fait chanter.
Les feuilles sont bruissantes et colorées. Je me sens bien.
Je me sens bien.
J’habite la forêt, la forêt m’habite.
Je vibre avec elle du chant de la terre.
Je la ressens, elle est en moi.
Je suis transparent et me confonds avec toutes choses ici.
Je comprends et je ressens. Je ressens et je comprends.
L’oiseau me parle et me suit sur mon chemin.
L’écureuil curieux pointe sa tête ;
Il n’est pas effrayé.
Le chevreuil me regarde sans s’enfuir quand je passe lentement.
Le vent souffle mes cheveux
Comme les branches jeunes et souples du bouleau.
Il caresse mon visage, traverse tout mon corps. Je suis transparent,
Je suis partie intégrante de cette nature.
J’existe et n’existe pas.
Je suis tout et rien.
Rien au niveau des hommes,
Tout dans cette forêt.
Les humains ne sont pas mes semblables.
Je ne leur ressemble pas.
Ici je suis tout à la fois,
Ou seulement la nature.
Tout dépend des valeurs dont l’homme s’habille.
Je me sens vrai et naturel.
Si je m’adosse à un arbre, je ressens ses vibrations.
Il respire avec moi, je respire avec lui.
Nous sommes semblables et échangeons.
Quelque chose de vrai et fort est entre nous ;
Plus fluide qu’un sentiment, qu’une impression,
Mais véritable. (…)
J’habite là-bas, je suis un roi.
Les arbres me parlent et me comprennent.
Nous respirons le même air, sommes intégrés dans le même cycle.
Leur écorce est rude et chaude comme moi.
Le moindre souffle les fait frémir, comme moi.
Le faucon est mon ami.
Il m’indique le sens du vent.
Ses battements d’ailes sont un enchantement, on dirait une fée légère.
La hulotte mâle me charme de son chant.
Une autre voix lui répond, là-bas, quel ravissement.
Un bruit dans le fourré,
C’est un chevreuil qui a bougé.
La lune éclaire le sentier, la clairière.
Les arbres font de l’ombre comme en plein jour.
C’est une autre lumière, plus douce, un autre monde.